De nombreuses publications ont circulé sur les réseaux sociaux, depuis mi-octobre, affirmant que Clémence Raharinirina, candidate au poste de conseillère municipale sous la bannière du parti d’opposition Tiako i Madagasikara (TIM) et présidente de l’Association des taxis d’Antananarivo-ville (FTAR), prévoit d’éradiquer les taxis-motos dès que Tojo Ravalomanana, candidat du TIM à la mairie d’Antananarivo accèdera au pouvoir. Ces publications la montrent notamment en compagnie du candidat. Certaines de ces publications ont été relayées dans des groupes de discussion et pages influents tels Real TV Madagasikara (623,5 K membres), AZ Radio (158,3 K membres), Vaovao Misongadina Androany (246,8 K membres) et dans Serasera Mada (334 K suiveurs).
Traduction : “Et vous avez encore des choses à redire les fanatiques du TIM ? Ravalo et Rajoelina ne font pas la guerre, ils ne cherchent qu’à “diviser pour mieux régner”… le reste ce n’est que du CINEMA.
Photo : Clémence qui va éradiquer les taxi motos
Regardez bien la photo, il y a déjà un numéro 7 derrière”
Traduction : “Clémence Raharinirina est très fière et affirme que le TIM auquel elle appartient doit absolument remporter la mairie, et que les taxi-motos doivent être supprimés”.
Traduction du texte d’introduction : “La marionnette de Dada , (en référence à Tojo Ravalomanana) et tantine Clémence ont déclaré que l’éradication des taxi-motos et des marchands de rue sera leur priorité une fois élus à la mairie d’Antananarivo”.
Traduction du texte dans la photo 1 : “Tojo Ravalomanana. Clémence Raharinirina. Les taxi motos seront éradiqués”.
Traduction du texte dans la photo 2 : “Clémence Taxi-ville. Elle va travailler de concert avec Tojo Ravalomanana pour éradiquer les taxi moto qui impactent négativement sur le paysage urbain – l’Association des taxis d’Antananarivo ville”.
Traduction : “Il faut supprimer les taxi-motos, selon la petite Clémence, conseillère TIM. Si vous soutenez le TIM, vous aurez la gorge coupée”.
Traduction du texte dans la photo : “Il est nécessaire d’éradiquer les taxi-motos”
Traduction du texte de la publication : “Il importe de supprimer les taxi-motos, car ils opèrent illégalement et pullulent dans la ville, selon Clémence Raharinirina. Il a également été ajouté qu’une fois Tojo Ravalomanana au pouvoir, l’éradication des taxi-motos sera son premier projet. J’encourage les gens qui travaillent dans ce secteur à se préparer, car ils pourront dire adieu à leur gagne-pain si Tojo venait à être élu”.
L’équipe de WHAT THE FACT (WTF) a décidé d’entamer un processus de vérification des faits en raison du poids non-négligeable des taxis-motos dans le paysage électoral d’Antananarivo. Dans un contexte où la désinformation peut manipuler les perceptions et influer sur les votes, il est essentiel d’examiner avec rigueur les affirmations les concernant.
Parmi les questions soulevées figure celle de la position réelle de Clémence Raharinirina, candidate aux Conseil municipal d’Antananarivo sous la bannière du parti TIM et Présidente de l’association de la FTAR, vis-à-vis des taxis-motos : Quelle est sa réelle position aujourd’hui, et comment a-t-elle évolué ? Pour y répondre, notre équipe a entrepris une analyse approfondie. Afin de mieux saisir le contexte, nous avons passé en revue les actions menées par Clémence Raharinirina afin d’éclaircir son positionnement. Enfin, pour garantir une information à jour et vérifiée, nous avons contacté directement la candidate au poste de conseillère municipale pour recueillir sa position actuelle. Cette approche nous permet de confronter les faits passés avec ses déclarations présentes, offrant ainsi une vue d’ensemble précise sur cet enjeu électoral.
Depuis 2020, Clémence Raharinirina, Présidente de l’association de la FTAR, a toujours montré une opposition claire à l’intégration des taxis-motos dans le système de transport urbain tananarivien. Elle a toujours insisté sur le fait que les taxis-motos exercent de manière illégale et ne contribuent pas aux recettes de l’État, car ils ne paient ni taxes ni patentes, affirmant sa volonté de protéger les moyens de subsistance des chauffeurs de taxi traditionnels. Lors d’une intervention dans l’émission “L’invité du jour” (Real TV Madagasikara) du 16 mai 2020, elle avait exprimé une vive préoccupation concernant l’impact des taxis-motos sur le secteur des taxis traditionnels à Antananarivo. Elle a dénoncé un laisser-aller apparent dans la gestion de cette problématique :
« La situation actuelle des taxis-motos ressemble à un État sans gouvernance. Ces motos occupent les stations de manière anarchique, au mépris des règles établies. »
Elle a également proposé une solution concrète pour endiguer ce phénomène : « Nous proposons la mise en place d’une brigade mixte, incluant la police et d’autres forces, pour traquer ces taxis-motos qui opèrent en toute illégalité. »
En août 2022, Clémence Raharinirina, a appelé à une grève générale des taxis de la capitale pour protester contre la révision du statut professionnel des taxis-motos par la Commune urbaine d’Antananarivo. (Source : Orange actus). À cette occasion, elle a déclaré : « Le maire (ndlr, d’Antananarivo) a déjà affirmé par le passé ne pas chercher à régulariser les taxis-moto. Or, nous savons aujourd’hui que l’exécutif est à l’origine du retour de ce dossier dans la liste des dossiers inscrits à l’ordre du jour du conseil municipal, mardi prochain ». Le dossier ayant déjà été examiné par le conseil municipal en 2021 avec un vote qui s’est soldé par un rejet de la régularisation des taxis-moto, « une décision, une fois prise, doit être effective », a-t-elle défendu, réaffirmant ainsi son opposition à tout revirement concernant la légalisation des taxis-motos (Source : 2424.mg; Midi Madagasikara). En mars 2023, après une délibération du tribunal administratif, Clémence Raharinirina, a fait appel auprès du conseil d’Etat. Elle a demandé un sursis à exécution auprès du tribunal administratif à l’encontre de la délibération du conseil communal autorisant les taxi-moto à travailler. (Source : Orange actus)
Lors de son entretien avec What The Fact, Clémence Raharinirina a adopté une posture plus nuancée sur la question des taxis-motos et a formellement démenti les rumeurs selon lesquelles elle et Tojo Ravalomanana envisageraient leur éradication.
Traduction de l’extrait de : « (…) Il est vrai qu’à un moment donné, nous avons exprimé notre désaccord concernant les taxis-motos au sein du conseil municipal en 2021, car nous estimions que le transport en deux roues n’était pas adapté pour la capitale. À ce moment-là, j’avais, en tant que présidente de l’Association des taxis, ainsi que plusieurs conseillers municipaux, clairement exprimé notre opposition à leur régularisation à Antananarivo. Mais voici l’histoire : en 2021, nous avons rejeté la régularisation des taxis-motos. Toutefois, sous pression, cette proposition a été réexaminée en août 2022, mais elle a de nouveau échoué. Puis, en septembre 2022, elle a été de nouveau soumise à une délibération et a finalement été adoptée, ce qui montre qu’une proposition qui avait été rejetée a été poussée à l’adoption en un mois, ce qui était clairement un forcing exercé au conseil municipal. Après cette adoption, nous avons constaté que les taxis-motos ont considérablement augmenté. On nous avait promis que la régulation allait suivre immédiatement, mais, deux ans plus tard, il n’y a toujours pas de délibération sur cette régulation. Je ne dis pas que nous n’avons pas été contre cette régularisation en tant qu’élus d’Antananarivo, mais lorsqu’elle a été imposée par le maire, nous avons accepté de dire que nous préférions avancer avec la régulation, dans l’attente de la mise en place de celle-ci. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, cette régulation n’a toujours pas été mise en œuvre. Et maintenant, c’est encore ce sujet qui est ressorti pendant cette élection, où on nous accuse de vouloir supprimer les taxis-motos. Nous n’avons jamais dit cela, ni moi, ni Tojo Ravalomanana, ni aucun des conseillers avec nous. (…) »
Notre analyse : Dans ses déclarations et actions antérieures, Clémence Raharinirina, a affiché un rejet catégorique de la régularisation des taxi motos, qu’elle considérait comme une menace économique pour les taxis traditionnels et une source de désordre. En 2020, elle a soutenu l’initiative de la mise en place d’une brigade mixte pour chasser les taxis-motos. En 2021, elle avait fermement plaidé contre leur régularisation au sein du conseil municipal, argumentant que les deux-roues motorisés étaient inadaptés au contexte urbain de la capitale. En 2022, elle avait engagé une mobilisation des taxis traditionnels en défaveur de la régularisation des taxis motos.
Lors de son intervention récente, Clémence Raharinirina dément les allégations selon lesquelles Tojo Ravalomanana et elle-même prévoient d’éradiquer les taxis motos. Elle admet que, dans le passé, en tant que présidente de l’Association des taxis de la ville (FTAR) et conseillère municipale, elle s’était opposée à la légalisation des taxis-motos, jugeant leur modèle inadapté à Antananarivo. Bien qu’elle ait accepté à contrecœur la décision finale du conseil municipal en 2022, elle insiste sur le fait que cette approbation était conditionnée à une régulation stricte, qui n’a jamais été mise en place à ce jour.
La conclusion de What The Fact : Après vérification des faits, il ressort que le discours de Clémence Raharinirina a évolué passant d’une opposition ferme à une acceptation conditionnelle. Bien que Clémence Raharinirina ait toujours exprimé son opposition à la régularisation des taxis-motos à Antananarivo, aucune déclaration officielle de sa part ni de son équipe de campagne ne confirme la volonté “d’éradiquer” les taxis motos. Selon sa dernière déclaration, elle se positionne en faveur de la régulation stricte des taxis-motos. À l’heure où nous écrivons l’article, ces rumeurs semblent se baser sur sa position antérieure et ne prennent pas en compte l’évolution de sa position récente sur la question.
Crédits Photographiques : Clémence Raharinirina