Information virale : Dans la matinée du 11 février 2025, un prétendu communiqué semblant émaner du ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire (MDAT), a largement circulé sur le réseau social Facebook, notamment dans le groupe de discussion INO VAOVAO DIEGO, comptant plus de 143000 membres. Les termes de cette missive indiquent la suspension des PDS (Président de Délégation Spéciale) nouvellement nommés, dont celui de la municipalité de Diego Suarez, et confèrent au maire élu l’autorité qui lui est donnée par le peuple selon la loi en vigueur.

Traduction: Le site du ministère de la Décentralisation piraté ? Le ministère de la Décentralisation se doit d’apporter des explications officielles, mais son site raconte des absurdités. A-t-il été piraté ? La déclaration concernant l’affaire du maire d’Antsiranana soulève des doutes quant à son origine : Elle est datée du 7 février 2025, alors que les troubles ayant entraîné des arrestations ont eu lieu le 10 février 2025. Son contenu est étrange : elle mentionne “Diego-Suarez”, alors que le nom officiel du district est Antsiranana. Que faut-il en conclure ?
Il convient de rappeler que le 20 janvier 2025, le tribunal administratif de Diego Suarez a officialisé la réélection de Jean-Luc Désiré Djavojozara, maire sortant d’Antsiranana. Ce dernier a obtenu 65,71 % des suffrages lors des élections municipales de décembre 2024. Toutefois, l’élu est introuvable depuis plusieurs mois, à cause d’un mandat d’arrêt émis à son encontre, suite à sa condamnation par le Pôle anticorruption en septembre 2024.
Constatant une vacance de siège sur saisine du représentant de l’État à la tête de la commune urbaine de Diego, une délégation spéciale à été mise en place.
Après plusieurs semaines de silence, Jean-Luc Désiré Djavojozara est réapparu sur les réseaux sociaux à travers une vidéo où il remercie la population de Diego Suarez et apporte des explications sur sa situation. Il affirme notamment qu’un ordre de capture, recommandant son arrestation mort ou vif, a été émis contre lui, ce qui l’a contraint à se cacher. Il rejette catégoriquement la mise en place d’une délégation spéciale à la tête de la municipalité de Diego, rappelant que seul le tribunal administratif est habilité à installer ou à destituer un maire. Dans cette vidéo publiée sur Facebook, il annonce que son équipe et lui ont déposé une requête en annulation de la nomination d’un président de délégation spéciale à la tête de la commune urbaine d’Antsiranana. Ils ont également formulé une demande de sursis à exécution, visant à suspendre l’application de cette décision administrative jusqu’à ce qu’une juridiction se prononce sur sa légalité.
De son côté, Jean Marc Andriamamonjisoa, préfet par intérim d’Antsiranana, explique dans une vidéo diffusée sur la chaîne publique locale TVM Antsiranana que la nomination d’un PDS est justifiée par des impératifs de service. Il souligne que les pouvoirs d’un maire par intérim se limitent à la gestion des affaires courantes, ce qui paralyse l’administration municipale et prive les citoyens des services auxquels ils ont droit.
Notre processus : Afin de vérifier l’authenticité de ce document, et particulièrement celle des logos et du cachet, l’équipe de WHAT THE FACT a exploité l’outil OSINT (Open source Intelligence ou Renseignement de source ouverte) Fotoforensics. Cet outil permet d’analyser une image pour détecter d’éventuelles retouches ou montages. Il vise à identifier les différences de niveaux de compression de la photo à l’aide du processus ELA (Error Level Analysis). Ce dernier met en évidence les zones potentiellement retouchées. En complémentarité, nous avons analysé de près la structure du contenu du supposé communiqué.
Notre enquête :
Les résultats le l’analyse ELA affichent une image similaire à une “radiographie” de la photo enregistrée. Nous avons identifié 6 zones distinctes, numérotées de 1 à 6 avec des différences de couleurs.

Pour lire les résultats, il est essentiel d’observer de près les images : les zones qui se distinguent nettement du fond par une couleur claire, avec des contours bien définis sont fortement susceptibles d’avoir été ajoutées ou modifiées. Dans le présent résultat, les zones 1, 3 et 5 qui correspondent aux logos et au cachet du document se détachent du fond et se présentent avec des couleurs plus ou moins similaires. Ces résultats indiquent potentiellement des retouches et des ajouts. Il est cependant utile de souligner que le processus ELA ne fournit pas de preuve définitive de manipulation. Il est souvent recommandé d’avoir recours d’autres techniques d’investigation pour vérifier l’authenticité d’une image.
Dans cette optique, l’équipe de WHAT THE FACT a examiné attentivement la structure du contenu du prétendu communiqué. Sur le plan de la forme, une différence d’interlignes entre les paragraphes est immédiatement perceptible. Les lignes du premier paragraphe sont plus espacées que celles des deuxième et troisième paragraphes. Par ailleurs, plusieurs erreurs de ponctuation et de syntaxe ont été relevées. Des erreurs de structure de phrase ont également été constatées. Pour un communiqué officiel, de telles anomalies sont pour le moins invraisemblables et peu crédibles.

Notre conclusion : L’analyse ELA de l’image indique qu’il y a eu potentiellement des retouches ou des ajouts dans le document. Par ailleurs, l’analyse de la structure du présumé communiqué révèle des anomalies, notamment des erreurs de ponctuation, de syntaxe et une différence d’interlignes entre les paragraphes. Ces éléments corroborent l’annonce faite le jour même par le MDAT, qui a déclaré qu’il s’agissait d’un document falsifié.