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Communales : Analyse d’une campagne de dénigrement contre Tojo Ravalomanana

La précampagne et la campagne électorale des élections municipales de 2024 ont été le théâtre d’une intensification des attaques en ligne, et particulièrement sur les réseaux sociaux. Des personnalités politiques en ont été victimes dont, Tojo Ravalomanana, candidat à la mairie d’Antananarivo. Il a été l’objet de 92 publications contenant de la désinformation et de la malinformation. Ces chiffres sont issus de l’analyse de 660 publications, recensés auprès de 21 profils sur Facebook, entre le 23 septembre et le 9 décembre 2024. (Les détails sur l’échantillon d’analyse sont consultables à la fin du présent article).

Cet article n’a pas pour objectif de défendre un parti ou un candidat en particulier, mais plutôt d’apporter un éclairage sur le phénomène de la désinformation en période électorale. À travers l’analyse des attaques dirigées contre un candidat aux élections, il met en évidence les tensions et stratégies qui façonnent le débat politique. Le paysage politique malgache, particulièrement polarisé dans la capitale, accentue ces dynamiques. De plus, au sein même de la plateforme de l’Opposition, qui regroupe plusieurs partis dont le TIM, des rivalités internes viennent complexifier davantage la situation.

Tojo Ravalomanana et sa famille, cibles d’attaques sur Facebook

Tojo Ravalomanana, fils de l’ancien président Marc Ravalomanana, s’est lancé dans la course à la mairie sous la bannière du parti Tiako i Madagasikara, soutenu par la plateforme Firaisankina. Initialement, c’est Marc Ravalomanana lui-même qui avait souhaité se présenter, mais sa candidature n’a pas été validée. Le parti a donc mis en avant son fils Tojo Ravalomanana. Depuis le dépôt de sa candidature, il a été la cible d’attaques médiatiques, touchant à sa vie privée, son engagement politique, ses projets pour la ville des mille et même son parcours académique. Sa femme, Claudia Andriamboavonjy, n’a pas non plus été épargnée.

La désinformation et la malinformation des outils d’influence

L’équipe de What The Fact a mené une analyse qualitative des méthodes utilisées dans cette campagne. Pour cela, nous avons identifié et examiné plusieurs cas concrets de désinformation et de malinformation visant le candidat. L’étude de ces approches permet de mieux comprendre les mécanismes des attaques informationnelles en contexte électoral.

Parmi les attaques dirigées contre le candidat, figurent des fausses attributions. En effet, certaines publications lui ont prêté des propos qu’il n’a jamais tenus. Une fausse attribution consiste à associer un discours ou une citation à une personne qui n’en est pas l’auteur, dans le but de tromper ou de nuire. Ce genre de procédé présente le risque d’induire l’opinion publique en erreur, en exploitant la crédibilité supposée de la source ou des faits avancés.

A titre d’exemple concret, une publication affirmant que Tojo Ravalomanana et Clémence Raharinirina, candidate au poste de conseillère municipale sous la bannière du parti d’opposition Tiako i Madagasikara (TIM) et présidente de l’Association des taxis d’Antananarivo-ville (FTAR), prévoient d’éradiquer les taxis-motos et les marchands ambulants une fois que Tojo Ravalomanana sera élu, a largement circulé dans plusieurs groupes de discussion sur Facebook depuis mi-octobre. Les 7 et 8 décembre, le même message a continué de se propager sur le réseau social.

Après un examen approfondi des différentes communications médiatiques de Tojo Ravalomanana, aucune ne fait mention de ces projets. Les détracteurs ont exploité une photo où il apparaît aux côtés de Clémence Raharinirina pour lui attribuer un discours prétendument hostile envers les taxis-motos. Il convient de rappeler que Clémence Raharinirina, présidente de l’Association des taxis d’Antananarivo-ville, s’était fermement opposée aux taxis-motos dans le passé. Cependant, elle a clairement précisé, dans l’un de nos articles de fact-checking (disponible ici), que ni Tojo Ravalomanana, ni ses conseillers, ni elle-même n’ont jamais tenu de tels propos dans le contexte des élections communales et municipales de 2024. Pour appuyer ce supposé projet de suppression des taxis-motos, certains auteurs ont également utilisé des techniques de contrefaçon numérique en simulant un compte fake au nom de Tojo Ravalomanana, lequel a été utilisé pour publier une fausse déclaration affirmant son intention de mettre en œuvre ces mesures. Cette stratégie de désinformation a amplifié la confusion et renforcé les tensions au sein des communautés directement concernées.

Traduction  : « La marionnette de Dada (Tojo Ravalomanana) et toutou Clémence (Clémence Raharinirina) ont déclaré que leurs priorités, une fois élu maire de la capitale, seront de supprimer les taxi-motos, et les vendeurs ambulants. »

Traduction : “Je compte mettre fin aux activités des vendeurs ambulants et des marchands de rue une fois élu maire”, dixit Tojo Ravalomanana

Outre les faux attributs, le candidat a également fait l’objet d’affirmations non-fondées. À la différence d’une fausse attribution, une affirmation non fondée est une allégation ou une affirmation sans preuve ou avec des preuves insuffisantes pour étayer sa véracité, souvent utilisée pour discréditer une personne ou un groupe. Les rumeurs sont également pris en compte dans cette catégorie. Dans le cas de Tojo Ravalomanana, deux affirmations récurrentes ont été largement partagées : son prétendu échec scolaire et son addiction à la drogue. Les auteurs de ces attaques ont adopté une stratégie sophistiquée pour renforcer leur crédibilité en insinuant que ces accusations émanaient d’autres personnalités publiques, notamment Claudia Ravalomanana, l’épouse du candidat, et Tahina Razafinjoelina, également en lice pour la mairie d’Antananarivo.

En octobre, des publications prétendument attribuées à Tahina Razafinjoelina ont largement circulé sur Facebook. Ces publications alléguaient qu’il aurait remis en question le parcours scolaire de Tojo Ravalomanana, notamment en contestant l’obtention d’un diplôme de l’université Harvard. Elles affirmaient également qu’il connaissait des détails compromettants sur le passé de ce dernier, suggérant que Tojo Ravalomanana avait été un élève rebelle et consommateur de stupéfiants au collège.

En novembre, les attaques se sont intensifiées, ciblant particulièrement Tojo Ravalomanana avec des accusations de consommation de drogues. Les auteurs de ces affirmations ont également impliqué son épouse, Claudia Ravalomanana, en fabriquant de prétendues déclarations selon lesquelles elle aurait révélé un supposé problème de santé mentale du candidat. Parmi les “preuves” partagées figuraient une lettre de perquisition attribuée à Claudia Ravalomanana, mentionnant la saisie de drogues, et une courte vidéo de Tahina Razafinjoelina semblant déclarer détenir des secrets sur les habitudes de Tojo Ravalomanana, notamment ce qu’il “buvait ou fumait”.

Une analyse approfondie révèle que ces accusations ne sont pas soutenues par des preuves solides et fiables.

Les allégations selon lesquelles Tojo Ravalomanana aurait été un élève dissident, exclu ou redoublant au Collège Saint Michel en 1995 pour indiscipline ou consommation de stupéfiants ne sont corroborées par aucun témoignage crédible ou document vérifiable. Aucun éducateur ni responsable de l’établissement où il a été inscrit n’a confirmé ces faits. Quant à son parcours universitaire, il est difficile de confirmer ou d’infirmer qu’il n’est pas diplômé de l’université de Harvard. L’université ne publie pas de base de données publique pour authentifier ses anciens diplômés, ces informations étant protégées par des règles strictes de confidentialité.

Les éléments relatifs à une prétendue addiction à la drogue de Tojo Ravalomanana, notamment à l’héroïne, manquent également de crédibilité. L’authenticité du manuscrit accompagnant la lettre de perquisition mentionnant la saisie de drogues reste douteuse, aucun élément tangible ne permettant de la valider. Quant à la vidéo attribuée à Tahina Razafinjoelina, il s’avère qu’elle a été manipulée. Les recherches montrent que la vidéo originale provient de son discours d’ouverture de campagne, prononcé le 19 novembre 2024 à Mahamasina. Dans ce discours, Tahina Razafinjoelina parlaient effectivement de dévoiler des secrets mais faisait allusion à des dynamiques politiques internes à la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA). Ses propos sur le fait de “boire et fumer” visaient en réalité un chef de cabinet, critiquant ses déclarations, et non Tojo Ravalomanana. Ses réels propos : “Je ne sais pas ce qu’il (chief of staff) a bu ou fumé pour parler en mal de nous”. Les séquences ont été coupées et montées pour déformer le contenu du message et semer la confusion. Dans une publication sur sa page Facebook, le 29 novembre 2024, Tahina Razafinjoelina a d’ailleurs souligné que de nombreux montages massivement diffusés sur les réseaux sociaux, le mettant en cause, ne sont des fabrications visant à nuire à l’image des personnes concernées. Le candidat à la mairie d’Antananarivo a fait savoir qu’il se cantonne à vulgariser ses projets de société plutôt que de s’immiscer dans la vie privée des candidats. A cet effet, Tahina Razafinjoelina affirme qu’une plainte pour diffamation est prévue afin de contrer ces accusations jugées infondées.

Traduction : « Selon Tahina Razafinjoelina : “C’est faux, Tojo Ravalomanana n’est pas diplômé de Harvard”, a-t-il affirmé. “Si cela était vrai, je le saurais, car j’ai toujours été proche d’eux. À moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse d’un diplôme simplement offert, comme ce fut le cas avec son père et son honoris causa, qui avait été attribué gratuitement”, a-t-il ajouté. “Je connais la majorité de son parcours de vie”, a-t-il poursuivi. “Tojo Ravalomanana a redoublé deux fois la classe de 4e et a été expulsé du Collège Saint Michel en 1995 pour indiscipline, consommation de stupéfiants et sa faible moyenne de classe. À l’époque, ce collège n’acceptait que des élèves d’élite. Comment quelqu’un qui n’a pas obtenu la moyenne pourrait-il être admis à Harvard ? D’autant plus qu’il n’a jamais osé participer à un seul débat !”. Le texte est illustré par une photo de Tojo Ravalomanana et une ancienne photo d’étudiants prise devant le Collège Saint Michel Amparibe, accompagnée de la légende suivante : “COLLÈGE SAINT MICHEL AMPARIBE TOJO RAVALOMANANA AVAIT RÉPÉTÉ SA CLASSE DE 4ÈME ET AVAIT DÉJÀ ÉTÉ EXCLU”

Traduction : La femme de Tojo a reconnu qu’il a problème de santé mentale le contraignant à prendre régulièrement de l’héroïne pour se calmer. Réveillez-vous habitants d’Antananarivo car c’est une forme d’humiliation que Marc Ravalomanana vous inflige le fait qu’il vous présente un candidat malade mental juste parce qu’il veut absolument cette place.
 Publication accompagnée d’une compilation d’images – d’une part la photo de la femme de Tojo et de l’autre d’une photo d’un supposé PV descriptif manuscrit de la perquisition de 2012 – où il est écrit : “CLAUDIA RAVALOMANANA : Mon mari a pris cette drogue pour des raisons de santé mentale. Tojo n’est en aucun cas un toxicoman

L’utilisation de contenus multimédias hors contexte relève fréquemment de la malinformation. Un contenu hors contexte désigne une image/vidéo/audio partagée ou diffusée avec un message ou une interprétation différente de son contexte d’origine. Ces photos peuvent être authentiques, mais sont souvent présentées de manière biaisée, accompagnées d’informations incomplètes ou d’une description qui ne correspond pas au contexte réel dans lequel l’image a été prise créant ainsi une perception erronée de la situation qu’elle représente.

Un exemple frappant de cette pratique a été observé le 27 septembre 2024, lorsqu’une vidéo a circulé, prétendant résumer une perquisition qui aurait eu lieu chez le candidat Tojo Ravalomanana le 6 février 2012. La vidéo a signalé la présence de plusieurs objets en bois de rose et aussi de cannabis, dans son domicile. Ce qui est particulièrement étonnant, c’est que cette vidéo refait surface en plein contexte électoral. Cette coïncidence soulève des questions sur les intentions sous-jacentes à la diffusion de telles images, notamment dans une période où les enjeux politiques sont exacerbés. De plus, cette vidéo a contribué à alimenter des rumeurs et des spéculations sur des sujets sensibles, comme la présumée addiction à la drogue du candidat.

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Traduction : Regardons ensemble cette vidéo du fils de Dada (ndlr Marc Ravalomanana), que certains envisagent de présenter comme candidat à la mairie de la capitale. Franchement, il serait préférable de considérer une autre personne. Cette vidéo soulève de sérieuses interrogations, et insister pour le promouvoir comme candidat serait aberrant. Antananarivo mérite un dirigeant intègre, juste, et sans antécédents liés à des affaires douteuses.

La satire ou la parodie désigne un contenu humoristique qui peut traiter un sujet polémique. Bien que destiné à se moquer ou à critiquer, ce type de contenu peut être pris au sérieux par les internautes, ce qui peut non seulement entraîner sa propagation comme une information véridique, mais aussi renforcer certaines rumeurs. Par exemple, la supposée addiction de Tojo Ravalomanana à l’héroïne a été au centre de plusieurs memes et publications humoristiques sur Facebook.

Le 25 novembre 2024, le candidat a été la cible d’un “mème Drake”, insinuant un intérêt pour les injections d’héroïne, avec pour légende : « Voilà pourquoi il évite souvent de montrer son bras à nu. ». Le 6 décembre 2024, une image caricaturale intitulée “COURSE DE RELAIS”, mettant en scène quatre athlètes a été partagée dans les groupes de discussion. On y voit une athlète transmettre le témoin à la candidate numéro 7, tandis qu’une autre main passe une seringue au personnage ressemblant à Tojo Ravalomanana.

Traduction : Travaux pour développer Antananarivo – Roro

La manipulation de contenu lève de l’altération intentionnelle de photos, enregistrements audio ou vidéos déjà existantes pour modifier leur sens ou leur contexte. Cela inclut des montages, des modifications numériques ou des ajouts de faux éléments visuels ou sonores.

Traduction: Tojo a dit “les gens de la côte ne sont pas instruits… c’est un Merina originaire de Iarivo qui doit diriger Antananarivo”

Le faux sondage est un sondage fabriqué, manipulé ou présenté de manière trompeuse pour influencer l’opinion publique ou perturber un processus électoral, sans explication méthodologique claire.

Le 2 décembre 2024, un prétendu sondage a été diffusé sur les réseaux sociaux, affirmant que la candidate Harilala Ramanantsoa était largement en tête des élections communales et municipales dans la circonscription d’Antananarivo, tandis que Tojo Ravalomanana serait relégué à la cinquième position. Cette affirmation, cependant, se limitait à une simple publication sans fournir de chiffres précis, ni d’informations sur la méthodologie employée, comme l’échantillonnage, la période de collecte ou les critères d’analyse. L’absence de données vérifiables et de transparence méthodologique a suscité de nombreuses interrogations et réactions critiques, soulignant le caractère douteux de cette annonce.

Traduction : Selon le sondage que nous avons mené sur terrain, la candidate numéro 7 se trouve en tête et le candidat numéro 4 se trouve cinquième.

Pour conclure, cette analyse des MDM (Mésinformations, Désinformations, Malinformations) ciblant le candidat aux élections communales, Tojo Ravalomanana, met en évidence l’ampleur et la diversité des attaques auxquelles un acteur politique peut être confronté en période électorale. Qu’il s’agisse de sa vie privée, de son parcours académique, de son intégrité morale, de ses propositions politiques ou encore de son entourage, un candidat peut faire l’objet de simples rumeurs comme de fabrications malveillantes coordonnées. Dans un contexte où la vérité et la transparence sont plus que jamais essentielles, il est crucial que les citoyens exercent leur esprit critique, restent vigilants face aux tentatives de manipulation et s’attachent à distinguer les faits des fausses informations.

Notre échantillon comprend cinq pages Facebook , cinq comptes , ainsi que 12 groupes de discussion sur Facebook.

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